Enquête en Outre-mer 2019-2022

L’objectif de ce projet est d’élargir les connaissances sur la fin de vie à  4 départements d’Outremer (Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion) afin de montrer dans quelle mesure leurs caractéristiques singulières (démographiques, sociales, historiques, culturelles et cultuelles) modèlent différemment le déroulement de la fin de vie.

Le contexte de la mort est, en effet, différent sur bien des points entre ces 4 territoires comme avec la métropole. En premier lieu, si le niveau de l’espérance de vie est comparable à celui des autres départements français - hormis en Guyane où elle est inférieure d’environ 3 années- les conditions de mortalité y sont, en revanche, plus défavorables aux âges les plus jeunes. En conséquence, la proportion de décès après 60 ans est inférieure à celle observée en métropole et s’échelonne de 50% en Guyane à 73% en Guadeloupe.

En outre, la mort est moins fréquemment institutionnalisée aux Antilles et à La Réunion: les décès à domicile y sont beaucoup plus fréquent (plus de 40% contre 25% en métropole en 2015) et se produisent donc moins souvent à l’hôpital (moins de 50% contre plus de 60% en métropole). Les décès sont encore plus rares en maison de retraite (moins de 5% contre 13% en métropole) [28, 29]. En Guyane on décède encore plus rarement en maison de retraite (3%), mais le recours à l’hôpital y est aussi fréquent qu’en métropole.

À cela s’ajoute, un contexte de précarité économique. À titre d’exemple dans ces 4 territoires, on compte entre 5 (Guyane) et 9 (Guadeloupe) fois plus de bénéficiaires du minimum vieillesse qu’en métropole   et un important sous équipement en structures d’accueil pour les personnes âgées en perte d’autonomie : si, en 2015, on dénombre en métropole une moyenne de 122 lits médicalisés pour 1000 personnes âgées de 75 ans et plus, dans les Dom la proportion varie de 40 à La Réunion à 80 en Guyane. Plus globalement, c’est aussi l’offre de soins dans son ensemble qui y est inférieure, tant l’offre hospitalière que libérale, avec toutefois des différences notables selon les territoires et selon les disciplines.

Dans ces territoires, le placement des plus âgés en institution est donc peu fréquent, par contrainte autant que par tradition, imposant une forte implication des familles auprès de leurs proches âgés. Ainsi, la cohabitation multigénérationnelle y est plus fréquente : entre 12% aux Antilles et 20% en Guyane des personnes âgées de 75 ans et plus vieillissent dans ce type de ménage complexe (5% en moyenne). Ce modèle familialiste caractérise également les pays d’Europe du sud ou certains départements métropolitains tels la Corse. On peut toutefois légitimement s’interroger sur la pérennité de cet investissement familial quand le vieillissement de la population deviendra massif. En effet, la Martinique et la Guadeloupe sont engagées dans un processus de vieillissement rapide. Entre 2005 et 2030, la part des personnes âgées de 60 ans et plus devrait doubler et dépasser les 30% plaçant ces département parmi les plus vieux de France à l’horizon 2030 et ils compteraient alors deux fois plus de personnes âgées de 75 ans et plus qu’actuellement. La Réunion est également engagée  dans une dynamique comparable mais à un rythme plus lent. Ces évolutions démographiques s’inscrivent, de surcroît, dans un environnement de réorganisation de la vie familiale, d’effritement des solidarités traditionnelles, d’individualisation rapide des modes de vie et de l’éloignement des membres de la famille -en raison de l’émigration des jeunes actifs- avec, de plus, le risque d’une précarité sociale persistante d’une part importante des populations concernées.

La nature et la rapidité de ces transformations feront indubitablement émerger de nouvelles exigences en matière de services publics et de services médico-sociaux. Et, dans ce contexte, les questions relatives à la prise en charge de la fin de vie deviendront un enjeu de société de plus en plus prégnant. Il semble donc essentiel d’élargir à l’Outre-mer l’éventail des connaissances déjà élaborées en France métropolitaine et en Europe sur ce thème. Elles permettront, notamment, d’éclairer les pouvoirs publics sur les actions à mettre en œuvre et qui ne peuvent se réduire à de simples répliques des choix opérés en métropole selon des normes éloignées des réalités ultra-marines.

 

Pour en savoir plus sur cette enquête voir les onglets Enquête Outremer 2020-2022 auprès des médecins et Enquête Outremer 2019 auprès des proches